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  • segunda-feira, 7 de dezembro de 2015

    Lynchage : une foule homicide



    Traduction: Jean Emmanuel Nunes

    Paris / France


    D’après Wikipédia, le lynchage est l’exécution sommaire d’une ou plusieurs personnes, commise par une foule dans l’objectif de punir un criminel supposé ou pour intimider, contrôler ou manipuler une partie spécifique de la population. L’article précise que le Colonel Charles Lynch, dans la période qui précéda la guerre d'indépendance des États-Unis, décida, en 1782, de réformer la façon dont la justice était appliquée dans sa région et de pratiquer le lynchage (1). D’autres sources attribuent ce terme de lynchage au capitaine William Lynch, un esclavagiste originaire du comté de Pittsylvanie, en Virginie, qui dirigeait un comité de maintien de l’ordre durant la colonisation américaine. Vers 1837, la « loi de Lynch » donna naissance au mot « lynchage », particulièrement en Nouvelle-Angleterre où, en dépit des lois qui les protégeaient, des noirs furent poursuivis par des Comités de vigilance, qui donneront naissance au Ku Klux Klan. 

    Malgré les deux origines possibles, à savoir de Charles ou de William Lynch, on trouvait des procédés de justice expéditive similaires au Moyen-Age en Europe. D’ailleurs, dans l’Antiquité, nombre d’écrits relatent des faits de lynchage pratiqués sous les auspices de la loi. 

    Parmi les juifs, la lapidation, qui est le fait pour la foule de jeter des pierres, est la peine appliquée à certaines infractions, telles que l’adultère d’une femme et l’homosexualité masculine, entre autres. Deux cas célèbres de lapidation sont relatés dans le Nouveau testament : celui de la femme adultère, évité par Jésus-Christ, et celui d’Étienne.

    C’est un fait de ce type qui provoqua l’émotion dans tout le Brésil, celui du meurtre de Fabiana Maria de Jésus, la 20ème mort par lynchage au Brésil au cours de l’année 2014 (2), qui fut lynchée par les habitants du quartier de Morrinhos IV, à la périphérie de la ville de Guaruja, située sur le littoral de l’État de São Paulo, et qui intervint le 3 mai 2014. Fabiana avait 33 ans. C’était une femme au foyer mariée, mère de deux enfants, qui vivait au sein de ce quartier. Elle fut confondue avec une femme qui enlevait des enfants pour se livrer à des sacrifices lors de rituels de magie noire. Elle fut battue et tuée par la foule.

    La violence de l’homme « civilisé » a ses racines profondes et vigoureuses dans la jungle. L’homo « brutalis » a ses lois : subjuguer, humilier, torturer, lyncher et tuer. Le pragmatisme des sociétés contemporaines robotise l’homme, ce qui signifie qu’il l’a pétrifié sur le plan moral. Le même individu, qui se prosterne face aux images froides du Très haut dans des temples somptueux, est capable d’ordonner tortures et lynchages. L’homme contemporain est tourmenté par la peur, cet atroce ennemi qui le tourmente, une fois soumis aux contingences de la vie actuelle, mais est aussi tourmenté par l’insécurité et les incertitudes, résultant d’une grave détérioration de l’éthique. Il lui faut pour cela reprendre ses concepts, repenser ses valeurs, réformer son intimité et adopter l’Évangile en tant que ligne directrice sure pour l’avenir de la société.

    Au 21ème siècle, dans une société civilisée, on s’attend à ce que les personnes se mobilisent pour améliorer les institutions et non à ce qu’elles se fassent justice par elles-mêmes de manière sauvage, sans donner aux suspects le droit de se défendre. Et ce dans l’objectif de rendre une justice supposée, où l’injustice est souvent de règle. Même si la victime est réellement criminelle, cela ne change rien au caractère bestial du lynchage. 

    Dans le passé, les lyncheurs étaient autorisés à rendre coup pour coup grâce au code d’Hammourabi, édicté en 1780 avant Jésus-Christ, un des premiers codes législatifs écrits dans l’Histoire, connu également sous le nom de «Loi du Talion», qui prêchait le principe de la proportionnalité de la punition et du « œil pour œil, dent pour dent ».

    Habituellement, les lynchages se produisent dans des sociétés où l’on n’a pas confiance dans les dispositifs de sécurité, ni dans les processus pénaux : une police négativement appréciée, un sentiment d’impunité généralisé, une justice perçue comme étant en lente et inutile, un État absent, incapable de résoudre les conflits, bref un système qui ne fonctionne pas. C’est ce manque de confiance et de légitimité qui conduit le lyncheur à agir et à justifier sa stupide action de se faire justice lui-même.

    Le comportement libre et « justifié » des lyncheurs reflète quelque peu le concept « d’état naturel » de Hobbes (1588-1679) et de Locke (1632-1704). Pour Thomas Hobbes : « l’homme est un loup pour l’homme », « L'intérêt et la crainte sont les principes de la société et toute la morale consiste à vivre selon notre bon plaisir », et il est important que l’autorité de l’État établisse l’ordre. Quant au philosophe John Locke, il énonçait que s’il y avait un manque de confiance dans l’État ou s’il n’accomplissait pas ses obligations, le peuple pouvait se rebeller. En ce sens, le lynchage est une façon de se rebeller contre l’État vis-à-vis duquel on se méfie. Plus tard, le théoricien écossais David Garland, qui étudia les lynchages dans ses diverses œuvres, a défini cette pratique comme étant une forme collective de réaliser une justice rétributive, afin de rétablir l’honneur perdu et de réaffirmer le pouvoir du groupe.

    La vague croissante de délinquance, qui se répand à travers la Terre, prend des proportions catastrophiques et imprévisibles, ce qui exige une profonde réflexion de la part de l’homme honnête et lucide. « D’après les récentes statistiques de l’ONU, le Brésil (un pays supposé paisible) occupe la 15ème place dans la liste des pays les plus violents du monde (ce qui a conduit le journal Le Monde à baptiser la coupe du monde de la FIFA de « coupe de la peur »). Et parmi les 50 villes les plus dangereuses de la planète, 16 sont brésiliennes » (3).

    « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades » (4). Il faut donc réfléchir, à la lumière de la Doctrine spirite à propos du crime, de la violence et de la loi. Le premier commandement de la Loi divine inclut la charité envers les criminels, aussi difficile que ce sentiment puisse paraître face à la barbarie. 

    Devant la Loi de Dieu, nous sommes tous frères, aussi répugnant que cette idée puisse paraître aux lyncheurs. Le criminel est quelqu’un qui méconnaît la Loi divine, qui ne reconnaît pas la paternité divine, et qui ne voit donc pas l’autre comme un frère. 

    Nous, nous avons acquis cette valeur, et nous savons qu’il est aussi un fils de Dieu, même s’il a dévié du bien, et qu’il a besoin de notre amour fraternel. Mais comment aimer un criminel, un ennemi de la société ? Kardec enseigne : « Aimer ses ennemis, ce n'est donc point avoir pour eux une affection qui n'est pas dans la nature, car le contact d'un ennemi fait battre le cœur d'une tout autre manière que celui d'un ami ; c'est n'avoir contre eux ni haine, ni rancune, ni désir de vengeance ; c'est leur pardonner sans arrière-pensée et sans condition le mal qu'ils nous font ; c'est n'apporter aucun obstacle à la réconciliation ; c'est leur souhaiter du bien au lieu de leur souhaiter du mal ; c'est se réjouir au lieu de s'affliger du bien qui leur arrive ; c'est leur tendre une main secourable en cas de besoin ; c'est s'abstenir en paroles et en actions de tout ce qui peut leur nuire ; c'est enfin leur rendre en tout le bien pour le mal, sans intention de les humilier. »(5).

    Le Maître nazaréen indiqua : « Vous avez appris qu'il a été dit aux Anciens : 

    Vous ne tuerez point, et quiconque tuera méritera d'être condamné par le jugement.

    - Mais moi je vous dis que quiconque se mettra en colère contre son frère méritera d'être condamné par le jugement ; que celui qui dira à son frère : Racca, méritera d'être condamné par le conseil ; et que celui qui lui dira : Vous êtes fou, méritera d'être condamné au feu de l'enfer (Mathieu, 5:21-22) » (6). Allan Kardec en conclut : « Par ces maximes, Jésus fait une loi de la douceur, de la modération, de la mansuétude, de l'affabilité et de la patience ; il condamne par conséquent la violence, la colère et même toute expression désobligeante à l'égard de ses semblables » (7).

    Ainsi, le spiritisme enseigne qu’aimer ses ennemis est l’une des grandes conquêtes sur l’égoïsme et l’orgueil. C’est leur souhaiter le bien et non le mal, et n’avoir pour eux ni haine, ni désir de vengeance.

    Jorge HESSEN

    Le 6 juin 2014

    Source : A luz na mente, revista online

    Traduction : J.E.

    Bibliographie :

    1) http://pt.wikipedia.org/wiki/Linchamento
    2) Correio braziliense, juin 2014
    3) http://www.brasilpost.com.br/patricia-melo/genocidio-autorizado_b_5291725.html
    4) Mathieu, 9:10-12
    5) Allan Kardec, Evangile selon le spiritisme, ch. 12, §3
    6) Allan Kardec, Evangile selon le spiritisme, ch. 9, §3-4 ; Mathieu, 5:21-22
    7) Allan Kardec, Evangile selon le spiritisme, ch. 12, §3-4 ; Mathieu, 5:21-22